L’habitude s’est généralisée en psychologie de parler d’ « intelligence affective » ou « émotionnelle », sans qu’il y ait une réflexion sérieuse pour justifier un tel usage. Jusqu’à aujourd’hui une telle manière de parler me semblait surtout relever d’un véritable syncrétisme épistémologique. Il y a peut-être pourtant une manière de rendre justice à l’intuition psychologique sur laquelle se fonde certainement cet usage. L’emploi de ces expressions peut trouver une validation dans la conception piagétienne de l’intelligence dans le même sens où l’on peut concevoir l’existence de « schèmes affectifs » spéciaux, alors même que tout schème comporte une dimension affective dans son fonctionnement! De tels schèmes spécialisés se reconnaîtraient par la présence dans leur fonctionnement d’actions spécialisées régulant les caractéristiques affectives de ces schèmes (qui comme tout schème comportent par ailleurs des dimensions volitives, perceptives, motrices et cognitives). Ces actions auraient pour effet spécifique d’afir sur les taux de plaisir ou de déplaisir, d’attachement ou de détachement, d’amour ou de haine, etc.
Qu’est-ce qui alors permettrait d’utiliser la notion d’intelligence pour caractériser de tels schèmes, et par prolongement de parler d’intelligence affective ou émotionnelle? Tout simplement le fait que les « schèmes affectifs » (à supposer que cette notion de schème affectif soit elle-même justifiée d’un point de vue théorique) sont, comme tous les schèmes, soumis au jeu de l’assimilation et de l’accommodation, et donc dépendants du processus d’équilibration entre ces deux pôles de leur activité.
Il y a là une piste qu’il vaut peut-être la peine d’explorer pour l’approche « piagétienne » (ce qui veut dire reposant sur le corps de concepts et de thèses produits par la psychologie génétique construire par Piaget et ses proches collaborateurs) de la réalité psychologique…